L'abbaye de Lagrasse, d'hier à aujourd'hui

Au sein du massif des Corbières, est née et s’est développée l’abbaye de Lagrasse Sainte-Marie d’Orbieu, le plus important monastère bénédictin de l’Aude. La partie publique de ce lieu classé site Pays Cathare appartient aujourd'hui au Département de l'Aude.

Ce monastère dont les origines sont antérieures à la fin du VIIIe siècle, restauré à l’époque carolingienne, a connu un essor considérable entre le IXe et le XIIe siècle, ses possessions s’étendant au-delà des Pyrénées…

Dans la seconde moitié du XIIe siècle pourtant, la richesse de l’abbaye tend à s’affaiblir, tandis que de nouvelles difficultés sont à relier avec les événements de la Croisade albigeoise.

Après les troubles de la Guerre de Cent ans, l’abbaye connaît un renouveau spirituel, intellectuel et architectural avec l’introduction de la réforme de Saint-Maur, et l’édification du nouveau palais abbatial.

La période révolutionnaire provoquera la vente du monastère divisé en deux lots distincts : cette division subsiste toujours. Les parties essentiellement médiévales du monument sont désormais propriétés du Département de l’Aude.

De la fondation à la Révolution française

Les origines de l’abbaye de Lagrasse sont antérieures à la fin du VIIIe siècle : sa charte de "fondation", rédigée en 779, permet de présumer qu’à cet emplacement s’élevait déjà un monastère. Son premier abbé fondateur, Nimphridius, ami de saint Benoît d’Aniane, est également nommé dans ce document. D’autre part, la légende de Philoména, manuscrit du XIIIe siècle, relate la fondation légendaire de l’abbaye par l’empereur Charlemagne et la consécration miraculeuse de l’église abbatiale par le Christ lui-même. Le monastère de Lagrasse enrichi par de multiples donations, connaît rapidement la prospérité. Les premiers dons importants sont enregistrés dans un acte de l’an 951.

IXe et Xe siècle, âge d'or de l'abbaye

L’abbaye subit un essor prodigieux au cours des IXe et Xe siècle, ses biens s’étendant jusqu’en Espagne. Au début du XIIe siècle, une centaine d’églises et près de dix monastères, allant du Bas Languedoc jusqu’à Saragosse, sont détenus par l’abbaye de Lagrasse. Le rôle politique de l’abbaye se révèle essentiellement au cours de la croisade contre les Albigeois : Benoît d’Alignan, abbé de Lagrasse de 1224 à 1230, fait fonction de médiateur entre occupants et occupés. C’est lui qui obtient la soumission de Carcassonne au Roi (1226).

L’abbaye connaît son apogée à la fin du XIIIe siècle, sous l’impulsion d’Auger de Gogenx, abbé de 1279 à 1309. On doit à ce réformateur, qui rédigea un important statut en 1296, la plupart des constructions médiévales de l’abbaye. Les périodes troublées du XIVe siècle ralentissent le rayonnement de Lagrasse.

Ravages de la peste et renouveau spirituel

En 1348, une épidémie de peste noire décime en grande partie sa population. Ces temps de désordres suscitèrent également la création d’une nouvelle réforme du monastère par l’abbé Guy Ier du Breuil, en 1363. Un nouvel essor de l’activité artistique de Lagrasse est amorcé vers la fin du XVe siècle, sous l’abbatiat de Pierre d’Abzac de la Douze, avant d’entamer une phase de conflit avec la désignation d’abbés commendataires. Ces derniers, dorénavant nommés par le roi et bien souvent indifférents aux exigences de la vie religieuse de la communauté, ne résident plus à l’abbaye mais continuent cependant à en percevoir les revenus. L’usage de la commende s’établit définitivement avec l’abbé Philippe de Lévis, en 1502.

Au XVIIe siècle, l’abbaye connaît un renouveau spirituel avec l’introduction, en 1662, de la réforme de Saint-Maur, pourtant acceptée difficilement par certains ecclésiastiques. Lagrasse témoigne d’une ultime ère de prospérité économique au XVIIIe siècle, grâce à son avant-dernier abbé, Armand Bazin de Bezons. À la Révolution, la communauté, qui dénombre un peu plus d’une dizaine de moines, fut dispersée.

Une division de l'abbaye de Lagrasse héritée de l’Histoire

L’abbaye de Lagrasse est alors partagée en deux lots et vendue aux enchères comme bien national, en 1796. Cette division demeure encore de nos jours : depuis 2004, une partie privée est occupée par les Chanoines Réguliers de la Mère de Dieu et une partie publique, ici détaillée, est détenue par le Département de l’Aude.

À la Révolution française, les possessions de l’Église sont déclarées biens nationaux, par le décret du 2 novembre 1789. Ceux-ci sont vendus pour résoudre la crise financière qui a causé la Révolution. Le domaine de la Couronne subit le même sort. Cette confiscation des biens immobiliers appartenant à l’Église permet de rembourser les emprunts contractés par l’État.

L’abbaye de Lagrasse n’échappe donc pas à la règle. Les derniers religieux sont expulsés le 29 août 1792, contre la volonté des villageois, et les scellés sont posés sur les bâtiments. L’abbaye est désormais propriété de la Nation. Vidée de ses richesses et partiellement vandalisée, elle est  vendue aux enchères en 1796… en deux lots, procédé alors ordinaire pour des monuments d’une telle ampleur.

Contrairement à d’autres biens « réunifiés » depuis, cette division subsiste encore à Lagrasse, comme en témoignent les deux entrées du monument.

La partie la plus ancienne, essentiellement médiévale, classée site Pays Cathare est aujourd’hui la propriété du Département de l’Aude.

Elle est ouverte à la visite de mi-janvier à mi-décembre et accueille régulièrement des manifestations culturelles, concerts, expositions…